Ceci n’est pas un sketch du Petit Rapporteur, cette émission où Pierre Desproges élaborait des reportages hilarants dans des petits villages français, aux noms ou aux situations improbables. Ceci n’est pas un énoncé d’examen pour étudiants en droit constitutionnel. Et non, ceci n’est pas un reportage pour le poisson d’avril d’une de nos télévisions. Non, ceci est la réalité de la Belgique qui tombe en absurdie, et de la Flandre qui pousse le bouchon linguistique jusqu’au ridicule.
On avait déjà eu les « cafés de Paris » ou les « friteries de la Grand-Place » dont on flamandisait le nom. On avait eu droit au coup du pantalon qu’on baisse en public à cause de Flamands dans un club de pétanque francophone, c’était décidément trop drôle.
Et voilà la petite dernière, signée de la très inventive bourgmestre de Menin : à tout qui parle français – parce qu’il est français en fait – au guichet communal, on va répondre par… le silence ou des pictogrammes !
Imaginez : les employés communaux flamands, plutôt que de prendre les quelques minutes pour accueillir les citoyens français dans leur langue, vont les consacrer à confectionner, et puis à agiter des pictogrammes pour se faire comprendre sans devoir – ô horreur, ô trahison, ô scandale – parler cette langue interdite.
On imagine que lorsqu’il est question de vendre quelque produit local, c’est en français que les commerçants de langue néerlandaise répondent à leurs clients venus de France et encaissent l’addition. Mais on est d’accord qu’ici, à la commune, la loi interdit de parler la langue de Molière.
Reste qu’à Menin, la séparation des torchons et des serviettes n’est pas simple à réaliser car cette bourgade, décidément fort sympathique, doit partager sa rue principale avec la commune française d’Halluin, où d’évidence on parle… français. Une suggestion pour éviter la porosité entre les deux peuplades ? Des sacs de sable ? Des chevaux de frise ? Un mur ?
Ah oui, dernier conseil à l’usage de la bourgmestre (soyons justes, cette fois, c’est le CD&V et non la N-VA qui nous régale) : si jamais elle envisageait de perfectionner le langage gestuel qu’elle privilégie aujourd’hui en optant carrément pour la langue des signes, il lui sera peut-être utile de savoir que cette langue n’est pas la même en néerlandais qu’en français. Quant à nos amis français, Kroll, toujours serviable, leur a dessiné les premières pages de leur nouveau dictionnaire.

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