Alors que la Belgique glose depuis plus d’un mois sur de possibles déchéances de nationalité, le scandale HSBC nous rappelle que la première des solidarités nationales est de payer l’impôt dû. La nation, c’est là où je paie mes impôts. Le pays auquel nous prétendons appartenir n’est rien d’autre que le projet collectif que nous finançons selon nos moyens, ce projet que nous construisons avec une juste part des fruits de notre travail. Cette « juste part », poussée à l’extrême, explique pourquoi même un sans-emploi reçoit son extrait de rôle, et cette symbolique est précieuse.
De ce point de vue, la justice fiscale participe de la prévention de tous les radicalismes : non seulement l’équité fiscale permet la redistribution économique, mais elle est surtout porteuse de sens, elle est vecteur d’intégration et de liens – « Je suis l’un des vôtres, j’ai payé mon ticket d’entrée » – dans une société qui a perdu ses repères et enrayé son ascenseur social. A cette aune, le légumier catholique et l’instituteur musulman partagent le même sel, le même pain.
En regard de ce contrat social, il n’y a aucune raison d’être clément face à la fraude fiscale, qu’on parle hier du noir dans l’horeca, ou aujourd’hui de HSBC.
Cela pose le problème de la sanction : le fraudeur fiscal ne demande pas mieux que d’être déchu d’une nationalité qu’il juge trop coûteuse, et certains fraudeurs en ont eux-mêmes tiré les conséquences en monnayant un droit de résidence à Monaco ou Genève. On ne peut rejeter un fraudeur, il faut le traquer. Et cela passe – enfonçons le clou – par une meilleure dotation du SPF Finances et de la Justice. Ce sont des départements où les dépenses sont rentables.
Mais l’enquête HSBC révèle un autre défi : derrière la fraude fiscale se cachent les mécanismes de blanchiment du crime organisé. Non, la fraude fiscale n’est pas le dérivatif naturel d’une société libérale, elle est au contraire, par ses connexions criminelles, un clou dans le cercueil de ce même libéralisme. La vaste majorité des électeurs dits « de droite » ne sont pas les bénéficiaires, mais en définitive les victimes de ces fraudes criminelles dont il faut bien que quelqu’un paie le coût. Or, que constate l’électeur MR ? Que le gouvernement a relevé le seuil à partir duquel une transaction ne peut plus s’opérer en cash. Cela ne profite pas aux indépendants, cela profite aujourd’hui aux trafiquants de voitures et de stupéfiants. Ce n’est pas du libéralisme, c’est de la compromission. Dès lors, voilà le gouvernement Michel au défi de l’éthique financière – fut-elle libérale, pourquoi pas ?
Faute de quoi, à nos yeux, la majorité jaune-bleue ne sera plus « suédoise » mais « Chiquita » : les couleurs d’une démocratie bananière.