vendredi 7 décembre 2012

L'art de "baisser son froc"


Une visite du Père Noël dans une école annulée? La directrice n'aurait pas dû reculer...

Par Yves Delahaie
Apartide, mais engagé


LE PLUS. La visite du Père Noël déprogrammée. C'est la décision qui a été prise par la directrice d'une école maternelle de Montargis, après avoir subi des pressions de la part "d'une poignée de mères de famille de confession musulmane". Avant de faire machine arrière. Pour Yves Delahaie, professeur, cette fête a toute sa place à l'école.

L’air de Noël est propice aux contes. Celui d’un homme à la barbe longue venant semer la terreur auprès des enfants est connu sous le nom de "Barbe bleue". Pourtant, en cet hiver 2012, il semble que la directrice d’une école de Montargis ait décidé de réécrire à sa façon l’histoire.
Comme tous les ans, l’école maternelle du Grands Clos s’apprêtait à réserver une surprise aux enfants. Et quoi de plus traditionnel que la venue du Père Noël en cette période de fin d’année ? Seulement voilà, certains parents ne l’entendaient pas de cette oreille.

Un mythe païen
On aurait pu comprendre que des parents se plaignent du peu de sort accordé à la pédagogie en la venue d’un tel individu. Mais fi de ces considérations, ce sont les croyances religieuses qui sont évoquées pour s’offusquer de la manifestation.
 Les fameux parents se sont revendiqués comme étant "musulmans" et ont directement contacté l’élu municipal en charge de l’éducation pour se plaindre. Plus grave, à la suite de ces pressions, la directrice de l’école a tout bonnement décidé d’annuler l’événement.
 Devant l’ampleur du scandale, qui a fait boule de neige dans les médias, le maire de Montargis est monté au créneau pour exprimer sa consternation face à ce qu’il considère comme un contresens, rappelant, à juste titre, que le Père Noël n’a aucunement une origine religieuse et qu'il relève bel et bien d’un mythe païen.
 Dans l’après-midi, on apprenait d'ailleurs que la directrice de maternelle faisait marche arrière et programmait à nouveau la venue du Père Noël… La tournée du patriarche pourra finalement reprendre sous l’œil des caméras et des journalistes que l’on imagine nombreux.

Un fête qui transcende le religieux
 Si l’affaire fait grand bruit, c’est bien évidemment qu’elle pose deux problèmes majeurs : la contestation des parents pour des “motifs religieux" et la réaction de la directrice de l’école.
 Il ne faudrait d’ailleurs nullement reporter l’origine de l’affaire sur le contexte actuel autour de la laïcité. Ce n’est pas nouveau. Déjà en 2004, le rapport Obin, remis au gouvernement de l’époque et intitulé "Les signes et manifestations d’appartenance religieuse dans les établissements scolaires", évoquait ce problème : 
 "La première manière de manifester une appartenance religieuse est donc de contester le calendrier ou les fêtes scolaires, ou de s’en affranchir, ce qui est de plus en plus fréquent. La fête de Noël est de ce point de vue la plus contestée par certains élèves et parents. En plus d’un endroit on nous a rapporté la demande d’élèves ou de familles de supprimer 'l’arbre de Noël' et la fête scolaire traditionnellement organisée à cette occasion par l’école ou le collège ; ce qui a parfois été obtenu."
 Et l’on voit ici toute la confusion qu'apportent ces contestations puisque, sur des motifs religieux, l’on mélange le caractère religieux de la fête de Noël et les attributs païens que la tradition lui a associés, comme le sapin de noël ou le Père Noël dans l’affaire de Montargis.
 D’ailleurs, certains catholiques intégristes refusent de célébrer le sapin dans leur salon, au nom d’un culte païen qui porterait atteinte au message qu’ils entendent donner à Noël, à savoir la naissance de Jésus.
 Le problème réside donc dans cette interprétation extravagante de la laïcité ou plus exactement des manifestations et autres événements qui gravitent autour de Noël, et qui montrent que, davantage qu’une fête religieuse, le 25 décembre est devenu au fil du temps un événement qui transcende les frontières du religieux.
Et qui rappelle que toutes les propositions simplistes comme celle qui consiste à créer des fêtes pour les autres religions, comme l'a proposé Eva Joly au cours de sa rocambolesque présidentielle, sont à côté du sujet.

Ne jamais reculer sur la laïcité
De la même manière, il faut veiller à de ne recourir à aucun amalgame en généralisant la position des musulmans sur la question. Il s’agit ici de parents à la marge, qui portent des exigences dans tout ce qu’elles ont d’intégristes, et qui ne sauraient être représentatifs des croyants de France, comme le rappelle avec bon sens un père de famille de l’école selon qui les musulmans de son entourage "n'ont aucun problème avec le Père Noël"...
Tout juste peut-on se permettre de dire que l’intégrisme en France se porte bien. Bien qu'ultra-marginaux en nombre, ces positions ont un écho déflagrateur sur l’ensemble du pays, qu’ils s’opposent à la venue du Père Noël, qu’ils encensent les crimes d’un frère djihadistes ou qu’ils frappent violemment des femmes venues contester leur haine avec des messages peinturlurés sur le corps.
Mais plus inquiétant encore est la réaction de cette directrice, qui a préféré faire fi des valeurs et des principes pour céder à des pressions qu’elles jugeaient trop lourdes. Le barrage a cédé face à une marée à peine agitée.
 Combien de fois faudra-t-il rappeler qu’il faut rester ferme et juste ? Le respect des religions n’implique nullement d’adapter les manifestations d’un espace public en fonction de la spiritualité de chacun. Surtout quand il n’y a aucun parti-pris pour une autre croyance comme c’était le cas ici. Un simple exercice de pédagogie aurait suffi à expliquer que le Père Noël ne relevait pas du religieux et que leur revendication, de même que leur crainte, n’étaient donc pas fondées.

Céder plutôt que de s’affirmer. Céder plutôt que d’expliquer. Céder plutôt que de dialoguer. Elle est sans doute ici la plus grande des violences faite à notre société.

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