Ce billet est une note envoyée à des milliers de
kilomètres de l'Europe, opinion mesurée à chaud des conneries qu'on peut lire
dans la presse numérique en permanence. Alors il paraît que ça va mal en
Europe, de l'Espagne à la Grèce en passant par la France, l'Allemagne et le Benelux
(Pays-Bas, Luxembourg, Belgique) ? Ah oui, j'oubliais. La crise ! Diantre !
Crise de la Dette, crise de l'euro, crise du bon sens, crise de la raison,
crise d'épilepsie à force d'avoir les yeux rivés sur les écrans boursiers ! Ah
! Les courtiers attaquent leurs propres pays. Sont-ils devenus fous ? Pas du
tout ! C'est l'histoire du plus grand hold-up de l'Histoire de l'Europe. Nous
sommes en 2012, bienvenue dans le monde merveilleux du néolibéralisme avancé où
les marchands se disent démocrates.
-L'Europe du nord dans le collimateur
des charognards
Je ris jaune. Il y a trois ans, A. Merkel et N.
Sarkozy s'appliquaient à dire que la dette publique grecque était due à une
mauvaise gestion de l'économie et qu'en gros, cela n'arriverait pas dans leurs
latitudes. Que les mesures d'austérité à Athènes résorberaient le gonflement de
cette dette. En tant que bons pantins porte-paroles des grandes banques
d'affaires, neufs plans de rigueur furent imposés au peuple grec en
représailles de fonds alloués au gouvernement. Ces "plans" successifs
n'ont eu pour conséquence que d'aggraver l'économie et la situation sociale de
la population est pire qu'avant le premier prêt. Les milliards d'euros dits
"d'aide" ont transité des banques vers la BCE, pour revenir au final
aux banques privées, qui ont rachetés les titres de la dette. L'Etat grec et
son peuple ont été pillés comme jamais.
Et en ce début Août, je vois que la guerre
économique frappe maintenant l'Allemagne et le Benelux à son tour. Alors que la
presse française saute du tour de France aux JO de Londres, je lis entre deux
fais divers que les agences de notation (Moody's et S&P's) viennent de
placer l'Allemagne, les Pays-Bas et le Luxembourg sous "surveillance
négative". Vous savez, le fameux passage du "triple A" au
"A+" ou je ne sais quoi, qui fait augmenter les taux d'emprunts d'un
pays sur les marchés financiers. Autrement dit, quelques banquiers s'arrogent
le droit de dégrader les conditions d'emprunts de trois Etats riches s'ils ne
prennent pas de mesures pour résorber leur dette publique. J'ai déjà vu ça
quelque part... Ceux-ci font quand-même partie des plus riches de la planète.
Le coup d'Etat de la finance bancaire sur les Nations européennes poursuit son
cours.
Moi qui suis un peu crédule, je n'ai pas fait
mes classes à l'ENA, je me questionne : comment est-il possible qu'une agence
bancaire puisse "noter" ou sanctionner un Etat-Nation ? Moi qui
pensais que l'Etat était une entité juridique légitime dans son autorité
suprême, me voilà brouillé ! Pourquoi les gouvernements de l'Union Européenne
seraient-ils mis sous surveillance par des banquiers ? Ils ont le pouvoir
politique, la légitimité pour créer des lois de sauvegarde des intérêts
publics, n'est-ce pas ? Ah mais oui ! L'Etat n'est plus souverain sur la
création monétaire, et il est interdit pour la Banque Centrale Européenne de
prêter directement à un Etat membre. Comme ce mécanisme est proscrit par le
droit européen, les Etats membres empruntent auprès des banques privées, qui
elles, sont des entreprises d'investissement, d'affaires. Du coup, l'Etat fait
un emprunt à 17% pour rembourser ses dettes antérieures, et creuse encore plus
sa dette publique lorsqu'il multiplie les emprunts. Mais la plupart des dettes
publiques sont d'anciennes créances privées pourries rachetées par les Etats
pour "sauver" les banques. Et les gouvernements fantoches refusent de
faire payer leurs bailleurs de fonds. Le chat se mord la queue juste pour
éviter de se voir dans le miroir. Stupidité de cette économie de crédit qund tu
nous tiens ! Cela évite de demander aux multinationales et aux riches de payer
leurs impôts, d'interdire l'évasion fiscale tout en faisant reposer le pillage
général d'un continent sur son peuple.
- Une série de putschs
prémédités, élites contre peuples.
Lorsque les banques d'investissement menaçaient
de faire faillite en 2008, les Etats ont racheté les créances pourries, renfloué
les banques, ce qui a creusé à plus de 50% la dette publique. En 2010-2011, les
créanciers étrangers de la zone euro se sont mis à spéculer sur les titres de
monnaie auprès des marchés sans que les gouvernements néolibéraux ne
réagissent. L'année suivante, les banques qui prospèrent maintenant
"demandent" aux gouvernements que les Etats remboursent leurs dettes
publiques. Mais faudrait-il rappeler encore que cette dette est issue des
rachats de créances privées, que les banques n'ont pas eu à rembourser un seul
euro des fonds publics accordés, nommés plan d'aide ? Quelle folie. Fin 2011,
trois barons de la puissante Goldman Sachs s'assoient sur le trône du pouvoir
en Italie (Mario Monti), en Grèce (Lucas Papadimos) et à la BCE (Mario Draghi),
renversent ainsi deux gouvernements et le directoire de la BCE sans aucune
élection ni référendum populaire. Début 2012, je me souviens avant de quitter
la France, que le président français heureusement déchu impliquait le pays dans
un "mécanisme européen de stabilité", sorte de FMI qui contraindrait
la France à n'avoir pour politique économique que la rigueur (ou plus
médiatiquement l'austérité). Son remplaçant F. Hollande reproduira la même
ligne néolibérale de fusion des compétences au profit des rentiers pour la
simple raison que ce n'est pas lui qui décide. Six mois plus tard, alors que
l'été assèche l'Europe, la presse maintient les lecteurs dans la peur en
martelant que la Grèce pourrait sortir de l'euro. Ah ! Stupeur au CAC40 ! Mais
pensons un peu, cela ne fait pas de mal je vous assure : rien dans les traités
européens ne précise ni n'impose des conditions de sortie de l'euro d'un pays
membre. Il y a des conditions d'entrée, pas de sortie. Si la Grèce ou n'importe
quel autre Etat doit sortir de la zone euro, c'est le gouvernement concerné qui
en fait le choix, pas les autres.
-TINA : There is no
alternative. Vraiment ?
On entend souvent dire de la part du Pouvoir
qu'il n'a pas le choix. Du style "se serrer la ceinture (pour le
peuple) est la seule solution et croyez-moi, il n'y a pas d'autres
alternatives". Cela vient tout droit de M. Thatcher, et des néolibéraux de
l'école de Chicago. Ces théoriciens partisans de la doctrine du choc économique
font croire qu'il n'y a pas d'autres choix que de privatiser, de déréguler les
transactions, pourquoi pas d'abolir les droits sociaux, faire la "guerre
pour la paix", etc. Bref. A chaque fois que le Pouvoir impose une
régression qui garrote les droits sociaux, il est bien entendu primordial de
faire passer la piqûre pour bonne. Le Pouvoir se fait passer pour bien
veillant, et cela marche. Car les journalistes non-censurés reproduisent
toujours une idéologie concordante à l'ordre dominant, au même format pour
tous.
Il y avait pourtant des solutions populaires
pour éviter tout ce vacarme d'austérité, de crise de la dette et de mise à mort
lente par saignement du peuple. En France, en Allemagne et en Grèce, aux
élections de 2012, voter pour des candidats se proposant de faire un audit
citoyen pour répudier la partie odieuse de la dette publique, par exemple. Rien
que la France, dans son histoire, a répudié sa dette publique à plusieurs
reprises pour se maintenir. Par exemple, lassé des gaspillages de son intendant
Nicolas Fouquet, Louis XIV répudie la dette et évince son intendant en le
remplaçant par Colbert.
Deuxièmement : nationaliser les banques pour
remettre le crédit au service du peuple, aurait pu être une solution. L'Islande
a tenté de le faire fin 2010 en rédigeant une Assemblée Constituante, répudiant
la dette illégitime et nationalisant les deux grandes banques du pays.
Troisièmement : supprimer les mécanismes de
défiscalisation des hauts revenus en réinstaurant des barèmes de l'impôt sur le
revenus et sur les sociétés. Instaurer un salaire maximal de 300 000 €/an au
dessus duquel l'Etat taxe à 100% les bénéfices afin que les plus riches payent
aussi de leur poche l'effort économique du pays.
Les solutions ne manquent pas et sans priver
personne, au contraire. Mais les entreprises de relations publiques (ou
propagande), qui sont proches du pouvoir et du Capital, préférèrent galvaniser
la haine et l'extrême-droite plutôt que d'informer les électeurs. La vraie
gauche une fois coulée en Europe, il ne restait plus qu'à placer les
néolibéraux de "gauche" au pouvoir, du moins en France, à un moment
où le Front de Gauche commençait à bénéficier d'une aura populaire importante.
C'est profitable aux rentes, aux profits des entreprises, aux marchés
financiers, à la Bourse.
Il n'y a pas eu d'élection en Europe, les chefs
d'Etat qui sont "élus" sont en réalité placés au pouvoir par les
élites, qui réalisent un achat de la paix sociale en donnant l'impression d'un
changement politique pour renforcer le pouvoir économique des banquiers sur
l'UE. Demandez à une souris de croire que le chat ne lui fera aucun mal, vous
croirez alors à la Démocratie et aux élections. La République au sens des
philosophes du 19ème siècle est morte il y a bien longtemps, mais
déjà Aristote en son temps vivant avait raison : la démocratie chavire souvent
au service des tyrans en ploutocratie, le pouvoir de l'argent dans les poches
de quelques uns. Nous y sommes à nouveau.
-La prochaine décennie sera
insurrectionnelle.
Ce que l'on nomme crise est une guerre du
Capital déclarée aux masses prises en otage par leurs gouvernements scélérats.
Les élections qui donnent un semblant de démocratie accréditent l'Empire
bancaire et garrotent le peuple. Et comme les fusibles de la conscience ont été
éteints par l'école et les médias, la guerre est gagnée d'avance. L'école confirme
les hiérarchies pour que les chefs restent des chefs, les médias n'offrent
qu'une seule vision et censurent le reste. Belle démocratie d'opinion... Au
final, les mêmes chefs formés aux grandes écoles sont les plus gros
consommateurs de médias et sont plus endoctrinés que la "masse"
dominée : élites, journalistes et Hommes de pouvoir vont alors main dans la
main, le vase est clos.
Mais il y a de plus en plus de brebis déroutées
qui ont compris que l'argent de ce monde de charognes n'était qu'une spéculation
sur des dettes, que 80% de la masse monétaire est numérique et qu'elle ne
repose que sur du fictif. Que nous vivons dans une économie de casino qui
transforme le monde en camp de concentration géant au profit d'une poignée de
gros propriétaires. Si les écrans s'éteignent, il n'y a plus d'économie. A un
tel stade d'avancée technologique, comment a-t-on pu faire au 21ème
siècle pour dépendre à ce point de l'électricité et du numérique ? La réponse
est simple : l'Humanité a profondément régressé. Au nom du Progrès, elle a
perdu sa réflexion globale, et est devenue l'esclave de ses propres
technologies.
Le plus grand mal de ces Temps est que les gens
croient vivre en démocratie. Nous avons encore des libertés, beaucoup plus
qu'il y a un siècle. Mais c'est cela qui tue la résistance : l'impression
d'être libre. Un certain Félix Leclerc chantait "ventre plein n'a pas de
rage".
Lors, en Occident on descend dans la rue clamer
son mépris, mais gentiment. Les manières légales de manifester (manifestation,
vote, pétitions) sont légales parce qu'elles ne sont pas dangereuses pour le
Pouvoir. Ce n'est qu'une question d'années. La colère monte de Québec à Mexico,
d'Athènes à Madrid, en Afrique, en Asie, les causes s'unifient et se
mondialisent aussi vite que les capitaux. Les banques pourront détenir l'Europe
et imposer un Nouvel Ordre Mondial régi par un seul et même gouvernement nommé
Goldman Sachs ou je ne sais quoi. Mais un jour, les marchands et les banquiers
ne pourront plus contenir la colère des gens devenus insurgés. Comme d'habitude
hélas, ce seront les gens les plus pauvres qui paieront le prix fort, qui
laisseront leur vie sous les balles policières. Mais chaque Empire subit sa
chute parfois aussi vite qu'il connaît l'apothéose, l'apogée. Ainsi, viendra le
temps de la Révolution sociale.
Samuel Moleaud.
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